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JOURNAL DES ÉCONOMISTES.

simple et palpable. C’est une loi du monde politique. Dieu fait les rois, au pied de la lettre. Il prépare les races royales, il les mûrit au milieu d’un nuage qui cache leur origine. Elles paraissent ensuite couronnées de gloire et d’honneur ; elles se placent[1] »

D’après ce système, qui incarne la volonté de la Providence dans certains hommes et qui revêt ces élus, ces oints d’une autorité quasi-divine, les sujets n’ont évidemment aucun droit ; ils doivent se soumettre, sans examen, aux décrets de l’autorité souveraine, comme s’il s’agissait des décrets de la Providence même.

Le corps est l’outil de l’âme, disait Plutarque, et l’âme est l’outil de Dieu. Selon l’école du droit divin, Dieu ferait choix de certaines âmes et s’en servirait comme d’outils pour gouverner le monde.

Si les hommes avaient foi dans cette théorie, rien assurément ne pourrait ébranler un gouvernement de droit divin.

Par malheur, ils ont complétement cessé d’y avoir foi.

Pourquoi ?

Parce qu’un beau jour ils se sont avisés d’examiner et de raisonner, et qu’en examinant, en raisonnant, ils ont découvert que leurs gouvernants ne les gouvernaient pas mieux qu’ils n’auraient pu le faire eux-mêmes, simples mortels sans communication avec la Providence.

Le libre examen a démonétisé la fiction du droit divin, à ce point que les sujets des monarques ou des aristocraties de droit divin ne leur obéissent plus qu’autant qu’ils croient avoir intérêt à leur obéir.

La fiction communiste a-t-elle eu meilleure fortune ?

D’après la théorie communiste, dont Rousseau est le grand-prêtre, l’autorité ne descend plus d’en haut, elle vient d’en bas. Le gouvernement ne la demande plus à la Providence, il la demande aux hommes réunis, à la nation une, indivisible et souveraine.

Voici ce que supposent les communistes, partisans de la souveraineté du peuple. Ils supposent que la raison humaine a le pouvoir de découvrir les meilleures lois, l’organisation la plus parfaite qui conviennent à la société ; et que, dans la pratique, c’est à la suite d’un libre débat entre des opinions opposées que ces lois se découvrent ; que s’il n’y a point unanimité, s’il y a partage encore après le débat, c’est la majorité qui a raison, comme renfermant un plus grand nombre d’individualités raisonnables (ces individualités sont, bien entendu, supposées égales, sinon l’échafaudage croule) ; en conséquence, ils affirment que les décisions de la majorité doivent faire loi, et que la minorité est tenue de s’y soumettre, alors même qu’elles blesseraient ses convictions les plus enracinées et ses intérêts les plus chers.

Telle est la théorie ; mais, dans la pratique, l’autorité des dérisions de la majorité a-t-elle bien ce caractère irrésistible, absolu qu’on lui sup-

  1. Du principe générateur des constitutions politiques. — Préface.