Page:Journal des économistes, 1859, T24.djvu/408

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une fois consommés, ne peuvent plus être à personne d’aucune utilité.

J’appellerai richesse intellectuelle l’ensemble des capitaux intellectuels et de leurs revenus.

Toutes ces considérations, convenablement développées, eussent forme la question préalable, le point économique en matière de propriété intellectuelle. Quoique je n’aie pu que les résumer ici d’une manière succincte, leur importance, si je ne m’abuse, n’en apparaîtra pas moins évidemment. En effet, « le capital produit le revenu ; le revenu sort du capital[1]. » Des capitaux intellectuels, valables, appropriables, échangeables il se détache journellement des revenus valables, appropriables, consommables. Ce sont : le plaisir qu’il y a pour chaque spectateur à contempler l’œuvre d’un artiste, l’intérêt que trouve chaque lecteur à parcourir le livre d’un écrivain, l’émotion que ressent chaque auditeur en écoutant l’opéra d’un musicien, etc. La théorie générale de la propriété, si elle était élaborée définitivement, énoncerait en termes propres que : le prix d’un revenu est dû au propriétaire du capital… N’en est-ce pas assez pour faire comprendre quel grand intérêt il y avait à nous exposer catégoriquement non-seulement si la richesse intellectuelle est de la richesse sociale, mais encore, et d’une façon plus générale, ce que c’est que la richesse intellectuelle ?

J’insiste sur ce point parce qu’après une étude attentive du travail de M. V. Modeste, j’ai lieu de ne pas douter qu’il n’y soit le premier adhérent. Je dois m’empresser de faire voir en effet que s’il n’a pas, non plus que M. F. Passy, pose nettement la question économique, il ne l’en a pas moins présentée avec une remarquable sagacité et, dirai-je même, implicitement résolue de la manière la plus complète. S’il n’a pas scientifiquement défini la richesse intellectuelle comme un ensemble de capitaux produisant des revenus, il n’en a pas moins, comme on verra, deviné dans cette définition le nœud de la question de la propriété intellectuelle ; de telle sorte que son seul tort, à mon sens, serait d’avoir de noué ce nœud les yeux fermés.

Après avoir défini, comme je l’ai dit, l’œuvre intellectuelle, M. V. Modeste expose ce que l’on demande pour elle : — « Les modes d’exploitation de l’œuvre intellectuelle, dit-il, se rangent sous les deux titres que nous avons déjà reconnus. Elle sert et elle produit : on en jouit en son état et comme fruit du travail, puis, la prenant pour base et pour point de départ, à l’aide d’un nouveau travail on en tire un nouveau fruit du travail[2]. » — C’est bien cela ; mais il eut mieux valu pouvoir dire : — L’œuvre intellectuelle est un capital qui produit un revenu.

« Or, dit encore M. V. Modeste, le premier mode de jouissance, c’est-à-

  1. M. Walras, Théorie de la richesse sociale, p. 62.
  2. Page 160.