Page:Journal des économistes, 1874, SER3, T34, A9.djvu/6

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mande à l’offre. C’est tout autre chose, comme je le montrerai tout à l’heure.

Songeons que ces prix, qui sont les rapports ou quotients inverses des quantités de marchandises échangées, sont des quantités mathématiques. Le prix de l’avoine en blé, ou de (A) en (B), est de 1/2 ; ce qui veut dire qu’on obtient 1 de (A) à la condition de donner 0,50, et non pas 0,45 ou 0,55, de (B). Le prix du blé en avoine, ou de (B) en (A), est, par cela même, de 2 ; ce qui veut dire qu’on obtient 1 de (B) à la condition de donner 2, et non pas 1,95 ou 2,05, de (A). Il faut donc faire une théorie qui indique rigoureusement les éléments de ces prix, si on le peut, ou ne rien dire du tout, si cela est impossible ; mais il ne faut, en aucun cas, employer des expressions qui, sous l’apparence d’une rigueur scientifique, ne cachent qu’obscurité et incertitude. Eh bien ! je le sais, beaucoup de personnes pensent et disent que les éléments en question nous échappent, ou tout au moins qu’ils échappent au calcul. Mais ici prenons garde aux malentendus. Peut-être l’application des mathématiques à l’économie politique comportera-t-elle un jour ou l’autre la substitution, dans certains cas donnés, du calcul au mécanisme de la hausse et de la baisse sur le marché. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas de telles applications numériques qu’il s’agit ici. Ce que poursuit exclusivement la théorie mathématique de l’échange dont j’expose ici le principe, c’est l’expression mathématique de ce mécanisme de la libre concurrence. Sans doute, et même dans cette opération d’analyse essentiellement abstraite, générale et théorique, il est un point où le calcul doit s’arrêter devant la multiplicité et la diversité des dispositions individuelles, des idiosyncrasies, devant le fait du libre arbitre. Mais j’espère faire voir qu’avant d’en arriver là, on peut s’avancer, dans la théorie de l’échange et des prix, beaucoup plus loin que n’a été jusqu’ici la loi dite de l’offre et de la demande.

III

Avant tout, il nous faut définir avec précision le mécanisme de cette libre concurrence que nous supposons régir notre marché. Transportons-nous, pour cela, sur un marché libre, et voyons comment il fonctionne. Entrons, par exemple, au marché au blé et rendons-nous scrupuleusement compte des opérations qui s’y effectuent. C’est peut-être le point le plus délicat, dans les sciences physico-mathématiques, que d’emprunter ainsi à la réalité les données expérimentales sur lesquelles l’esprit établit ensuite la série des déductions rationnelles.