Page:Journal des économistes, 1876, SER3, T43, A11.djvu/109

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métropole du Nord, alors que les voûtes de Westminster abritent des morts certainement moins illustres, et que les statues des autres hommes qui ont également honoré l’Écosse se dressent sur les places publiques d’Édimbourg, ou bien ont leurs somptueux monuments funéraires dans les églises ou sur les places publiques. Cet hommage que le marbre a négligé jusqu’ici de rendre au grand économiste, la parole et la plume viennent de le lui décerner de nouveau, avec un grand éclat, à l’occasion du centenaire de son livre, et, pendant quelques jours les journaux d’outre-Manche ont rempli leurs colonnes des discours qui ont marqué cette pieuse manifestation du souvenir et de la reconnaissance des économistes.

C’est le club de l’économie politique, the Political Economy Club, de Londres, qui en avait pris l’initiative, et c’est le 2 juin dernier qu’elle a eu lieu. Les convives — car en Angleterre les sujets les plus graves se sont de tout temps volontiers débattus à table et cette coutume a franchi la Manche, les convives étaient présidés par M. Gladstone, le chef actuel de cette vaillante école de Manchester, aussi libérale sur le terrain de la politique que sur celui de la science elle-même, et c’est M. Lowe, un des membres de l’administration qu’il présidait naguère, qui a le premier porté la parole.


M. Lowe ancien ministre des finances, a parle en excellents termes de Smith et de ses rares qualités intellectuelles ; il a loué sa perspicacité et fait ressortir l’immense portée de son grand livre ainsi que la fécondité de la doctrine dont le professeur d’Édimbourg avait fixé les grandes lignes sur une base désormais indestructible ; mais tout cela s’est dit sur le ton de l’impartialité philosophique et non du panégyrique académique, sans la moindre velléité de dissimuler soit les imperfections matérielles du travail d’Adam Smith, soit les erreurs qui obsédaient encore son esprit, ou les lacunes de son programme économique.

Ainsi, M. Lowe a reconnu sans peine qu’au point de vue de l’ordonnance et de la méthode, The Enquiry into the Wealth of nations, loin d’être une œuvre artistique, était même un livre d’une lecture pénible et d’une digestion difficile. Il a montré, ensuite, Smith en contradiction sur plusieurs points avec ses propres principes. Ainsi, dans tout le cours de son ouvrage il se récrie contre les entraves qui s opposaient de son temps à la liberté complète des placements monétaires et cependant il conclut en faveur des lots répressives de l’usure il était pleinement convaincu qu’un marchand doit être libre de trafiquer où il veut, comme il veut,