Page:Journal des économistes, 1876, SER3, T43, A11.djvu/113

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politique. Elle fut enlevée par un despote jaloux et soustraite à tous les regards pendant une période de quinze années.

Ce temps d’oubli devait enfin cesser. Le culte de l’économie politique, toujours cher au cœur de J.-B. Say, devait revoir de beaux jours.

Au mois de novembre 1814, J.-B. Say fit un voyage en Angleterre. Il visita Glascow, il s’assit sur le fauteuil dans lequel Adam Smith avait professé. Il prit sa tête dans ses mains, voulant, c’était son expression, rapporter en France une étincelle du génie du maître.

Cette étincelle, il la rapporta en effet ; il en fit une lumière ; il réunit autour de sa chaire une foule d’hommes qui entendaient pour la première fois exposer les vrais principes de la science économique. Il créa une école : l’économie politique prenait dès lors racine ; elle avait droit de cité chez nous ; elle était française.

Cependant, les sphères gouvernementales lui étaient toujours fermées. La science économique était traitée par le monde officiel comme quelque chose de dangereux, comme un outil dont les effets pouvaient se traduire par quelque explosion redoutable. Aussi J.-B. Say ne vit-il pas le couronnement de ses efforts. Il aurait été bien étonné de voir son petit-fils occuper les fonctions de ministre des finances et se glorifier en même temps d’appartenir à l’école d’Adam Smith.

Aujourd’hui la cause de la science économique est gagnée ; cependant je vous demanderai la permission, en suivant M. Lowe sur ce terrain, de vous faire une observation sur la théorie des traités de commerce. C’est une méthode évidemment contraire aux principes de la science ; mais il ne faut pas oublier que, dans notre pays, malgré les efforts de nos économistes, l’éducation économique des masses s’est faite beaucoup plus par les faits que par les principes. Il n’est pas rare, je pourrais même dire, qu’il est commun de rencontrer des personnes qui produisent des conclusions vraies en les appuyant sur des raisonnements absolument faux.

Il est général, par exemple, de raisonner au point de vue producteur, et le point de vue consommateur est absolument négligé. Non-seulement dans le présent nous avons donc à tenir compte de cette disposition des esprits, mais nous devons aussi être préoccupés, jusqu’à un certain point, de l’avenir de la science économique. Je dirai comme M. Lowe qu’il y a incertitude dans cet avenir. Les classes ouvrières, ceux du moins qui paraissent avoir de l’influence sur elles, ne sont généralement pas favorables à la liberté du travail, comme les économistes l’entendent, et peuvent être amenés, par conséquent, à faire revivre avec plus ou moins d’étendue les idées du système protecteur, car il y a entre la liberté au travail et la liberté du commerce des liens dont on ne peut méconnaître la solidarité.

Ces points de vue de fait ne doivent pas être négligés et peuvent do-