Page:Jouve - Coup d'œil sur les patois vosgiens, 1864.pdf/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 60 —

naison. Il la fait entendre à la fin des mots dont le son est plein en français ou qui se terminent par un e muet précédé d’une voyelle. Ainsi en patois Dieu se dit Déye (ye faible) ; santé, santéye ; et en général les substantifs en  ; buée, bouâye ; charretée, charrâye.

Cette terminaison féminine, traînante et lourde, si caractéristique et si désagréable aux oreilles des étrangers, n’en a pas moins sa raison d’être. Elle rappelle, comme du reste tous les mots français qui ont pour terminaison un e muet (buée, incendie), une syllabe que la langue mère possédait et que les langues dérivées ont plus ou moins négligée. Ainsi on tirera jeuye de jocus ; Déye de Deus, Dei ; santéye de sanitatem, sanitate ; dôye de digitus (doigt) ; leuye de leuca (lieue), etc.

p, b, t, mouillés.

Il est enfin un son, une articulation sur laquelle nous devons appeler l’attention de nos lecteurs, mais qui n’étonnera point les philologues. Nous avons en français deux consonnes mouillées, ill, gn, qu’on prononce aujourd’hui lieu, nieu dans les écoles[1].

  1. Il ne faut pas croire qu’on puisse les remplacer dans l’écriture par ni et li. Si cela se peut devant a, o, u, (aniau pour agneau, boulion pour bouillon), ce changement deviendrait impossible devant e et i comme dans campagne, il craignit, qui, écrits campanie, il crainiit seraient incompréhensibles à la lecture.