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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/207

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C’est une façon d’être honnête et aimable dans l’art de plaire. Et c’est aussi, quelquefois, se tromper.

Autrement dit, le metteur en scène est une manière d’amoureux qui tire son talent, son invention et la joie de son travail, du talent, de l’invention et de la joie qu’il emprunte aux autres ou qu’il suscite en eux.

Que de soins et que d’amour !

Mettre en scène, c’est, avec patience, avec modestie, avec respect, avec angoisse et délectation, aimer et solliciter tous les éléments animés ou inanimés, êtres et choses, qui composeront le spectacle, les incliner vers un certain état. C’est provoquer et attendre le mystère de leur efficacité interne, de leur présence ou de leur incarnation dramatique.

Dans ce costume de la pièce qu’est le décor, bois, peinture, clous et lumière, par exemple, ne sont pas, comme on pourrait le croire, des choses mortes, des éléments inorganiques, mais de redoutables entités dont la bienveillance ne s’accordera à l’œuvre et aux interprètes que par un accord secret et longuement prémédité.

Et cette communion spirituelle entre la matière et le verbe se renouvelle et se complète avec les comédiens.

Mettre en scène, c’est, avec amabilité, aider les acteurs qui s’exercent pour la mémoire, jusqu’à ce que le texte, par ce massage patiemment renouvelé de la répétition, se dépouille de son sens livresque et s’imprègne de leur sensibilité.