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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/222

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coterie d’affectueuse détente, sorte de cercle qui n’est ni obligatoire ni limité comme la chambre des notaires, ni rigoureux comme peut l’être l’ordre de la Légion d’Honneur.

Le troisième groupe, le plus puissant, celui qui est à juste titre la noblesse du théâtre, c’est la Société des Auteurs, fondée par Beaumarchais et dont tous les auteurs, par force d’intérêt, sont contraints de faire partie. Elle a atteint ce résultat magnifique de pouvoir contrôler, à la suite de l’État et de l’Assistance publique, toutes les salles de spectacles et de faire prélever les droits de ses membres en pourcentages sur les recettes, leur assurant d’autre part une sécurité, une protection et des avantages matériels et moraux considérables. Mais, malgré sa bonne volonté, ne pouvant à aucun moment épouser les variations commerciales de l’industrie théâtrale, elle n’est au demeurant qu’un modèle de société fermière de perception. Heureuse et prospère ! Je ne crois pas, en pensant à Beaumarchais, qu’aux vertus singulières qu’elle exige des directeurs, il y ait beaucoup de ses membres qui aient envie d’être exploitants.

Dans le champ d’un triangle, assis chacun à un sommet, acteurs, directeurs et auteurs regardent en augures, impartiaux et passionnés à la fois, les problèmes les plus divers s’y écraser, s’y concasser, comme un train de voyageurs ou une théorie d’avions — c’est le jeu des jonchets — et chacun cherche dans cet amas de bois cassé à tirer sans rien y déranger, sans attirer l’attention des autres et sans risques, l’épave dont il fera pro-