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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/54

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chure illustrée du Barbier de Séville et du Mariage de Figaro. Enfermé dans ma chambre, à demi assuré sur l’audace de cette lecture qui me paraissait cependant défendable parce qu’elle se présentait sous le couvert d’une collection classique, je lus l’une et l’autre pièce avec avidité et il me reste de cette première impression le souvenir confus de personnage galants et poudrerizés, assez semblables à ceux dont certains camarades m’avaient rapporté à mi-voix les exploits durant les récréations, et dont ils avaient fait connaissance dans un roman parfaitement interdit dans les collèges, qui s’intitulait « Le Parc aux Cerfs de Louis XV ».

Il ne se peut pas, si vous avez été au collège, que vous n’ayez entendu parler de cet ouvrage classé par le Vatican aussi bien que par la Bibliothèque Nationale dans ces lieux qu’ils appellent indifféremment l’un et l’autre l’Enfer.

J’évoque assez bien, à distance, l’étrange et voluptueux émoi que me procura cet androgyne, ce délicieux Chérubin dont Beaumarchais efface le sexe par le moyen traditionnel et théâtral du travesti, ce personnage au nom gracieusement céleste, si troublant pour le cœur et l’esprit des autres adolescents par le rayonnement mystérieux de sa nature, et que la représentation devait me préciser plus tard d’une façon plus savante encore, lorsque je vis sous les traits de ce jeune garçon les actrices les plus fémininement séduisantes.

J’évoque assez bien encore dans cet arsenal de rubans, de bonnets de nuit de femme, de tendres billets