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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/79

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l’insolence d’un garçon horloger qui aurait, par hasard, trouvé le mouvement perpétuel. »

En février 1775, Le Barbier de Séville, composé trois ans auparavant et destiné aux comédiens italiens, est représenté à la Comédie-Française.

En 1773, les comédiens français avaient dû remettre la première, l’auteur étant au Fort-l’Évêque. En 1774, le roi l’avait interdite à cause de l’affaire Goezmann.

Beaumarchais, devenu célèbre par ses Mémoires, avait farci la pièce d’allusions à ses juges. « Jamais, dit Grimm, première représentation n’attira tant de monde. » L’échec fut complet et Beaumarchais l’a spirituellement raconté dans la préface de l’ouvrage.

« Mais le Barbier, enterré le vendredi, se releva triomphalement le dimanche. » Beaumarchais, pour le relever, s’était mis en quatre, comme sa pièce. Du jour au lendemain, il avait refondu deux actes en un, transposé des scènes, fait disparaître ce qui était louche ou confus, supprimé tout ce qui était inutile et transformé un ouvrage médiocre en une production charmante.

C’est ce jour-là, sans doute, qu’il écrivit cette phrase dont tout homme de théâtre connaît la profondeur : « Une comédie n’est vraiment achevée qu’après la première représentation. »

Ce fut alors le plein succès, « un succès extravagant, écrit Mme du Deffand ; la comédie fut portée aux nues, elle fut applaudie à tout rompre ». Le Barbier ne cessa d’attirer la foule jusqu’à la clôture de la saison d’hiver.