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Page:Jouy - La Galerie des femmes, 1869.djvu/233

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GALERIE DES FEMMES

d’idées j’en vis arriver la fin. Je me souviens seulement que le plus chéri des pères avait ordonné une fête dont le motif apparent était de célébrer l’anniversaire de la naissance de sa fille. La jeunesse des environs était accourue, les jardins étaient illuminés ; des danses s’étaient formées de toutes parts, des tables avaient été dressées sous les berceaux ; tout respirait le bonheur et la joie. Après un joli feu d’artifice qui termina la fête, la foule s’écoula, et nous nous retirâmes pour souper. M’entendra-t-on si je dis que, loin de hâter par mes désirs le moment où je devais me trouver seul avec Sophie, je le voyais s’approcher avec une espèce d’effroi ? J’étais accablé de l’idée de mon bonheur. Un sentiment différent produisait sur elle un effet plus pénible encore. La pâleur de la mort couvrait son front, sa poitrine était oppressée. En vain notre bon père, dans son entretien plein d’esprit et d’enjouement, cherchait à faire diversion à la violence du sentiment qui absorbait toutes nos facultés : il ne put nous rendre à nous-mêmes.