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VISIONS DE L’INDE

et qui semble un riche jouet ; ses pantalons dessinent une jambe gracieuse faisant songer à Lorenzaccio, et le bout retroussé de ses chaussures est secoué d’un tremblement nerveux qui ne le quitte pas. Il me regarde avec amitié, il sourit, il rit même, par contenance ; je le sens bon, mais il n’a rien à me dire.

Autour de lui ses courtisans s’étonnent de la présence d’un Français ici ; — comment peut-il exister au monde d’autres blancs que les Anglais ? — ils me témoignent une grande politesse nuancée de quelque dédain parce que je n’ai point le ton cassant des sujets britanniques. Ils adulent leur maître. « Son Altesse, me dit l’un d’eux, est un grand philosophe. » Le petit maharajah continue à sourire, à rire même de ses dents brèves et serrées de chat. Il trouve tout naturel d’être un grand philosophe ; il croit bien encore être un grand roi ! Cette cour autour d’un prince sans pouvoir est amusante à force d’ironie : vieux « pundits » blanchis sur les textes des « Upanischads » ; astrologues ; maîtres de cérémonies aux yeux égrillards chargés de veiller sur les voluptés de « His Highness », le seul département où les Anglais aient laissé aux rajahs toute latitude ; secrétaire intime, épieur, chagrin, tout acquis aux Anglais et qui n’a qu’une idée, — me pousser dehors par les épaules, comme