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VISIONS DE L’INDE

Shiva lui-même qui médite dans mon cœur. Je maudis ton œuvre, elle ne sera jamais achevée ! »


La baignade sainte est maintenant quasi terminée. Le Soleil Chrisna monte dans le ciel, qui est pur comme une immense prunelle virginale. Les colombes bleues sortent des vieux volets noircis où elles ont construit leur nid. Ce sont les messagères de la saison nouvelle, le calme n’est troublé que de leurs ailes chimériques. Maintenant les pèlerins se rhabillent et rient et s’amusent au milieu de ces désastres de pierre. Et ils procèdent à leur toilette, faibles comme des malades, avec des grâces de millénaire fatigue. Des jeunes gens se regardent dans des glaces, de pauvres glaces, venues sans doute d’horribles bazars allemands. Des filles se servent comme peigne, pour lisser leurs cheveux gras, de leurs doigts longs vêtus de bagues. De temps en temps, le jet rose traverse l’air, la liqueur parfumée de Chrisna.

Deux lourds esquifs se poursuivent, se battent en une querelle de carnaval ; et je comprends à la cargaison de bois qu’ils portent, que ce sont les vaisseaux de la mort… Ils alimentent le « burning ghàt », le quai sacré entre tous où reflambera, dès ce soir, le brasier libérateur, qui émancipe à jamais des incarnations et des renaissances… (Celui