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VISIONS DE L’INDE

leur chape de pierreries et d’or ! Des ex-voto baroques décoraient les murs : fourrures d’animaux himalayens, plumes de paon, coquillages du lac, petites cloches pour faire fuir les fantômes. Ces larves riches et ténébreuses, ces pygmées femelles, ont toujours faim. Sur les marches de l’autel traînent des gâteaux, des « sweets », quelques grains de riz sur des feuilles, des fruits de cocotier. Pour leurs narines de démones, du camphre brûle, et des pétales de rhododendrons épars font songer, mouillés aux eaux lustrales, à des gouttes de sang humain, rose et violacé, qui aurait coulé là.

— Ces offrandes ne sont que des desserts, chuchote Bharamb. Leur repas est le sang véritable, la chair qui fume… ou la face pâle des noyés.


Je m’assieds sur le sable, près de l’eau, comme ces prêtres nonchalants. Je veux respirer cette atmosphère païenne, me croire tout à fait loin de ceux de ma race, qui adorent un Dieu invisible et vénèrent une Vierge plus pure que les lys. J’omets les siècles qui ont apporté la foi et la science. Je savoure l’atroce, la charmante, la sauvage idolâtrie. À ma droite et à ma gauche, les saules tremblent, me cachant les monuments européens. Je ne vois plus que ces poupées dévoratrices et presque vivantes dans leur niche d’ombre, ces sacerdotes abrutis,