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VISIONS DE L’INDE

Je m’amusai de cette expression qui dénote une admiration pour touriste vulgaire ; mais, ayant appris qu’un train pouvait m’y conduire, ainsi qu’à Brindabam, la Jérusalem du dieu Chrisna, je ne résistai plus, car l’Apollon de l’Inde hanta souvent les rêves mystiques de ma jeunesse. Il est doux de suivre, sur la terre où ils ont vécu, les traces des héros, et de respirer, pour ainsi dire, le parfum de leur âme parmi les paysages qu’ils ont regardés.

Dans le petit train qui m’emporte, je songe à l’étrange et douteux sillage qu’a laissé, dans le cerveau des hommes, cette légendaire divinité.

Qu’est-ce que Chrisna ? une synthèse de souvenirs héroïques et de dogmes réunis autour d’une figure céleste, le Soleil…

Il est à peu près certain que Chrisna, tel que nous le racontent les puranas, tel que les brahmanes le font adorer à la foule, n’exista point. Son culte est relativement récent ; c’est non seulement un dieu hindou, mais une divinité « hindouiste » c’est-à-dire une création tardive de la théologie brahmaniste. Celle-ci, après l’absorption du bouddhisme, et devant l’invasion menaçante du mahométisme que suivit l’infiltration chrétienne, voulut frapper les imaginations populaires avec un type humain et surhumain à la fois, profondément autochtone, réunissant au suprême degré les qualités et les défauts de la

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