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VISIONS DE L’INDE

En revanche, la Pauvresse étale, aux yeux de tous, sa naïve infortune, qu’elle subit avec cette résignation qui fait le charme auguste des femmes de là-bas.

J’ai gardé dans l’œil l’interminable théorie des Indiennes obligées aux durs labeurs. Je les ai vues travailler aux gares, aux routes, aux édifices. C’est elles d’habitude qui portent sur leur magnifique chevelure les pierres pesantes. Leurs bras, dont le galbe pourrait être envié des blanches les plus belles, maintiennent par un prodige d’équilibre ces morceaux de roc dont nos ouvriers ne se chargeraient pas… Elles passent, silencieuses, résignées, ornées, comme de pauvres idoles, avec seulement des verroteries et de la cire, mais agiles comme des acrobates et majestueuses comme des reines !


Un pays a beau posséder en lui-même des ressources, il se dépouille s’il perd ses industries. Les châles de Cachemire, les étoffes de Delhi ont été quasi supprimés par la volonté de Manchester, qui ne supporte pas la concurrence. En revanche, le trafic, le commerce, sont encouragés par les envahisseurs. L’insolence des marchands s’étale, pansue et luisante ; ceux-là sont carrément anglophiles. Leur fortune date de la conquête, leur respectabilité aussi ; leur caste suivait de très loin celle des guerriers et des brahmes. Aujourd’hui les marchands