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VISIONS DE L’INDE

notre personnalité, l’unique existence pour tout et tous d’une âme unique), me chantait les védas sur un rythme monotone et gracieux de plain-chant hindou ; il commentait ces effusions lyriques par des controverses de philosophie et il les illustrait d’exemples historiques tirés de son pays.

Ces nobles heures ont passé à jamais ; nous avons ensemble exalté nos âmes vers des problèmes plus poignants que des drames intimes, que des romans vécus. Je ne recommencerai plus des soirs aussi magnifiques. Vivekananda est mort. Mort aussi mon espoir en cette philosophie hindoue qui voit tout être comme une illusion et ne trouve de réalité que dans le néant. Il est allé s’éteindre là-bas au bord du Gange, où je l’ai revu[1], dans son monastère, quelques heures avant sa mort. Je lui dois plus qu’à tous pour mon retour à la vérité ; car, dans les efforts prodigieux que nous fîmes ensemble pour déchirer avec les seules forces humaines le voile de l’infini, je constatai l’insuccès de la raison et du rêve ; et une telle désespérance me gagna, une telle horreur de ces vaines et décevantes recherches, que je pus, vacciné de shivaïsme, braver dans l’Inde même les fièvres intellectuelles plus dangereuses que les fièvres du sang…

  1. Consulter le premier chapitre, La Cité aux nuits terribles.