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VISIONS DE L’INDE

cocher de Rama, qui ne se sente étreint d’une immense angoisse pour ce châtiment immérité. Il tonne, l’orage qui éclate semble un sanglot du ciel…

« Pourquoi Rama ne m’a-t-il pas accompagné ? » Et, comme Lakshmana reste silencieux, le chagrin de celle qui se croit exilée n’a plus de bornes. Et sa douleur hâte dans ses entrailles la poussée du fruit humain. Lakshmana, affolé, s’enfuit. Il faut que Sita connaisse le suprême abandon. Heureusement, ses cris sont entendus de celui qui écoute les bruissements de la forêt pour en faire des poèmes. Valmiki, le solitaire, le chantre de la grande épopée nationale le « Ramayana », accourt avec son vêtement de feuillage, et, dans ses vieux bras toujours vigoureux, il emporte Sita, la chaste et infortunée Sita que couvrent comme un manteau bienfaisant les flots de la longue barbe blanche. Cependant, Rama n’a pu se consoler de sa propre cruauté ; il se traîne sur l’autre rive de Sarayou, se lamentant pour la perte de celle qu’il aime. De loin et parallèlement, il l’a suivie. Quand Lakshmana, son frère consanguin, et Sumanha, le cocher fidèle, le rejoignent, le héros tombe en pâmoison. Que faire ? La jalousie a été vaincue par l’amour, mais dans son cœur, l’amour le cédera à la dignité de sa maison et au souci qu’il doit prendre de son