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VISIONS DE L’INDE

planté à leur dôme. Ce trident, nous autres chrétiens, nous en avons fait, plus tard, la fourche du diable… Entre Shiva et notre diable, il y a, en effet, des points de contact. Tous deux habitent le feu, élément de prédilection pour Shiva, prison de Satan. Tous deux détruisent les âmes et les corps, tous deux protègent les criminels, les fous, les mendiants, le sabbat des sorciers et des hystériques. Tous deux ont une face d’ombre et un phallus triomphal. Le phallus de Shiva est, en somme, sa représentation la plus complète. Il est nommé dans toute l’Inde le Shiva-Lingham et dresse sa noire pierre dans tous les temples, à tous les coins de rue, le long des escaliers des Ghats, sur les étagères des échoppes où le vendent des enfants. C’est l’idole des ascètes, des femmes et des rois.

N’importe ! le spectacle de Bénarès est inouï et d’une détresse inexprimable. Le néant de tout, la fin des choses poussée jusqu’à la majestueuse et sordide hideur, la caducité allant jusqu’à l’effondrement, racontent aux yeux le triomphe lamentable de Shiva, le dieu de la destruction, qui ira jusqu’à détruire son peuple, son temple et lui-même. Les escaliers des Ghats ont fléchi ; nul ne sait si c’est à cause de l’âge, des invasions, ou des secousses d’une terre indignée. Une pagode gît au fond du Gange ; seule sa pointe extrême environnée de