Page:Jules Janin - Le marquis de Sade.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 10 —

sacra ses remords et ses repentirs s’il en avait, car il avait passé de profanes années et d’heureux jours aux côtés de cette belle madame de la Popelinière, les amours du maréchal de Saxe ! C’est ainsi que François de Sade nous a laisse des Mémoires sur la vie de François Pétrarque, admirable biographie ; une excellente traduction des œuvres de Pétrarque, et enfin, car ces deux choses se confondent ensemble, Pétrarque et la poésie française, an travail très-complet sur les premiers poètes et sur les troubadours de la Provence. Dans ces livres, vous retrouverez l’histoire du quatorzième siècle, admirablement développée et comprise. En même temps que François de Sade se livrait à ces nobles travaux entrepris en l’honneur de cette femme qui était sa religion, le frère aîné de François de Sade, tour a tour ambassadeur en Russie, puis à Londres, s’alliait à la maison de Condé par Mlle de Maillé, la nièce du cardinal de Richelieu, qui avait épousé le grand Condé. Voilà donc une famille qui commence à Laure de Noves, qui porte dans ses armes l’aigle de la maison d’Autriche, et qui s’arrête à la maison de Bourbon. Trouvez-eu une sinon plus grande, du moins plus heureuse que celle-là !

Mais ici s’arrête ce grand bonheur. Cette illustre famille va s’éteindre ; que dis-je s’éteindre ? elle va se perdre dans un abîme d’infamies ; elle va tomber du haut de sa renommée dans les plus atroces extravagances qui puissent passer dans la tête d’un forçat au cachot, un jour d’été. C’en est fait, le 2 juin 1740, dans l’hôtel même du grand Condé, noble maison où tout le dix-septième siècle a passé, illustre seuil foulé par le grand Condé, et par le grand Corneille, et par Bossuet, et par Racine, et par eux tous les grands hommes du grand siècle, le terrible et fameux marquis de Sade vient au monde, enfant bien conforme en apparence,