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du fondement de l’induction

effet, deux sortes d’induction : l’une est l’induction scientifique, qui consiste à ériger en loi un seul fait bien constaté et qui suppose évidemment que tout fait est l’expression d’une loi ; l’autre est l’induction vulgaire, qui procède par simple énumération d’exemples, qui ne suppose rien avant elle et qui, par conséquent, peut fort bien servir de fondement au principe qui sert à son tour à justifier la première. Il est vrai que cette dernière forme d’induction est abandonnée, depuis Bacon, comme un procédé sans valeur ; et il est certain qu’elle ne mérite aucune confiance lorsqu’il s’agit des lois particulières de la nature, parce qu’ici l’énumération n’est jamais complète et que cent exemples conformes n’excluent pas la possibilité de cent exemples contraires. Mais il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit de la loi de causalité universelle : comme il n’y a pas un seul cas auquel elle ne soit applicable, il n’y a pas eu un seul fait, depuis que les hommes observent la nature, qui ne fût appelé à la confirmer ou à la démentir ; et, comme elle a été confirmée par tous sans être démentie par un seul, elle repose sur une énumération complète et possède une certitude irrécusable.

S’il n’y a pas de cercle dans cette démonstration, il y a du moins une pétition de principe tellement manifeste qu’il faut y regarder à deux fois avant de l’attribuer à un esprit aussi pénétrant que M. Mill. L’énu-