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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

— Ah !… en ce cas, c’est bien ici… et vous pouvez entrer…

— Pulchérie est chez elle ?

— Chez elle, oui, si on peut dire, mais pas pour longtemps… Et quand elle s’en ira, ce ne sera pas plus pour chercher un logement… Elle se moque, à l’heure qu’il est, de toutes les restrictions, du manque de sucre, de pain, de vin et de charbon… et de tous les concierges et de tous les proprios…

Les jeunes filles firent deux pas dans un étroit cabinet qu’éclairait une lucarne voilée d’un rideau de serge, pour obéir aux ordonnances de police… Car les lumières des lucarnes parisiennes pouvaient servir de points de repère aux bombardements des avions. Une petite table, une chaise de bois, une armoire de bois blanc, et un lit. La petite table avait été rapprochée du lit… Elle supportait un crucifix autour duquel on avait enroulé un chapelet… et Rose-Lys reconnut le chapelet de Pulchérie… un verre dans lequel il y avait sans doute de l’eau bénite, deux bougies allumées… et, dans le lit, une longue forme rigide sur laquelle on avait ramené, jusqu’au dessus de la tête, un drap blanc, très blanc, très propre…

Et la bonne femme souleva le drap et dit en pleurant :

— Voici ma sœur… elle est morte ce matin…

Le visage très maigre, d’un jaune cireux, avait les yeux clos. Toutes les rides, stigmates du labeur de toute une vie, stigmates de vieillesse, avaient disparu. Et la pauvre Pulchérie semblait rajeunie par la mort. Ses mains étaient jointes, dans le geste qui lui était si habituel. Un mouchoir était noué en bandeau sous son menton et attaché dans ses cheveux gris.

Rose-Lys et Rolande s’agenouillèrent pieusement et prièrent.

Ni l’une ni l’autre ne pensa que cette mort, dans sa simplicité, était pour Rolande une catastrophe… peut-