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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

on pouvait me couper en morceaux et me faire saigner par tous les bouts, je n’aurais rien dit… Mais je n’avais pas compté sur mon enfant, sur mon gosse… Voilà qu’il me regarde avec épouvante… Voilà de grosses larmes qui viennent à ses pauvres yeux enflammés… Mon Dieu ! Mon Dieu ! il est perdu… si je ne dis rien… Mon Dieu ! est-ce que je peux, voyons, est-ce que je peux ? Alors, vous n’avez pas pitié ?

— Nicky…

— Non, non, arrêtez… ne le battez pas… C’est monstrueux, entendez-vous, monstrueux… Et si vous, qui me torturez, vous avez un enfant, eh bien, je vous le jure, car Dieu est juste, vous serez puni, puni bientôt dans votre enfant…

— Nicky…

— Non, non, je vous dirai… ce que vous voulez…

— Tu mentais tout à l’heure ?

— Oui, je mentais… J’avais promis à Pulchérie…

— Ces papiers, elle te les avait confiés…

— Oui, en mourant… Mais j’ignore ce qu’ils sont, ce qu’ils valent… comme elle l’ignorait elle-même… Pendant son agonie, elle m’a remis une pochette de cuir, en me disant : « J’avais promis de mourir plutôt que de m’en défaire… J’ai tenu parole… Maintenant, c’est ton tour… Prends-la… Cache-la, n’en parle à personne… Au péril de ta vie… Remets-la seulement… un jour… à, à… » Et puis, sans me dire aucun nom, elle est morte, juste au moment où éclatait, pas loin de nous, un obus de la grosse Bertha… C’est la Bertha qui l’a tuée…

— Où est cette pochette ? Pas chez toi, sans doute… nous l’aurions trouvée ?

Elle haussa les épaules, tout en pleurant :

— Vous n’avez pas visité partout.

Elle souleva Grisette hors du panier, la coucha tendrement dans le fauteuil de moleskine, et tendit le panier à Sturberg.