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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Sturberg était trop loin pour entendre, mais il avait deviné un rendez-vous donné. Dès lors, sa surveillance redoubla. Il sentait qu’il arrivait au point critique du drame commencé en 1914, dans les bois de Godollo, et que ce drame allait avoir, dans quelques minutes, son dénouement définitif. Il voyait se préparer sous ses yeux un chassé-croisé dont il devait profiter, s’il ne voulait pas renoncer pour toujours à la chance de rentrer en possession du document. Et pour lui, ce qui se passait était très clair et très simple. Afin de se venger, par haine et par envie, Nicky Lariss l’avait trahi au profit de Rolande. Mais Rolande, faible, ne garderait pas pour elle la trahison et confierait à Simon, pour le mieux défendre, le précieux dépôt tant convoité.

Voilà ce qu’il adviendrait tout à l’heure.

Voilà l’occasion que lui offrait le hasard et qu’il ne laisserait pas échapper.

Et, dans l’état d’exaspération où l’avait jeté le vol de Nicky, il n’était plus maître de sa volonté, et sa volonté glissait vers le crime.

Le meurtre de Rolande ? Il l’avait envisagé bien des fois. C’était une décision depuis longtemps arrêtée dans son esprit.

Est-ce que, depuis des années, un arrêt de mort ne pesait pas sur elle ?

Est-ce que, tout récemment, cet arrêt n’avait pas été renouvelé ?

Et n’était-ce pas pour cela, et pour choisir son heure, qu’il l’avait fait venir à l’Helvetia, afin de la frapper plus sûrement ?

Certes, les événements l’avaient devancé. La débâcle de l’armée allemande bouleversait l’équilibre de ses plans. L’armistice signé, la liberté rendue aux réfugiés de retourner dans leurs foyers dévastés, le départ certain de Rolande, qui ne s’attarderait plus à Corbeil et regagnerait Clairefontaine, tout cela