Page:Jules Mary - Les écumeurs de guerre.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
LES ÉCUMEURS DE GUERRE

— les premiers de la dévastation, qui fut complète — rougeoyaient dans le ciel.

Il se leva, tourna l’angle et soudain s’arrêta, foudroyé par un coup au cœur.

Des cavaliers défilaient, revolver ou carabine au poing…

Et, du fond de sa détresse, Jean-Louis, tout à l’heure, bien qu’ils fussent tout près, ne les avait même pas entendus…

Ils étaient vêtus de gris, avec le casque à cimier plat qu’il connaissait bien, pour avoir vu des gravures de 1870, le casque des uhlans… Ils étaient harassés, presque tous les chevaux boiteux ou fourbus, mais des yeux durs, implacables, brillaient sous les visières… Avant-garde d’éclaireurs hardis qui pénétraient dans Reims en enfants perdus. Jean-Louis fut-il vu ? ou bien méprisa-t-on sa présence ? Il resta inanimé, à regarder, les tempes battantes, la respiration suspendue et le dos contre une porte…

Il n’avait plus qu’une seule pensée, et il se répétait deux mots tout bas :

— Les voila !…

Derrière les uhlans apparurent des autos montées par des fonctionnaires qui venaient prendre possession de la nouvelle conquête, ou par des officiers supérieurs. Le gros de l’armée était encore loin. Quand Jean-Louis revint à lui, les uhlans s’étaient enfoncés dans d’autres rues… Et quand ses yeux, aveuglés par des larmes de rage et de douleur, purent distinguer quelque chose, ils virent…

Ils virent, à la brève lueur d’un bec de gaz passer une auto… la dernière…

Et dans cette auto, sur le siège, deux hommes…

Oh ! ce fut si rapide qu’il se demanda s’il avait bien vu ! Mais ses deux mains à sa gorge retinrent un hurlement de joie sauvage :