Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XX.

La veille de la Révolution.


La rigueur des lois pénales disparut sous Louis XVI ; mais la fiction qui faisait des protestants amant de relaps fut maintenue, et, avec elle, la privation de tout état civil. Il y avait alors plus d’un million de protestants en France. Ces protestants n’avaient point de culte public ; leur religion les excluait de toutes les charges et de la plupart des corps de métiers : leurs affaires mêmes, lorsqu’elles étaient portées devant les tribunaux, étaient fréquemment décidées contre le droit et la justice ; et il n’était pas rare d’entendre l’avocat de leurs adversaires commencer son plaidoyer par ces mots : « Je plaide contre des hérétiques. » Cependant tous ces malheurs n’étaient pas leur plus grand malheur. Ils se seraient résignés à prier en secret, à vivre sous le coup d’une pénalité terrible, à être traités en étrangers dans leur patrie : mais ils ne pouvaient consentir à n’avoir pas de famille, à dépendre, pour l’honneur de leur foyer, pour la sécurité de leurs enfants, des caprices d’un intendant ou d’un présidial. Il est affreux de penser que pendant plus d’un siècle, sous le gouvernement le plus doux, chez le peuple le plus éclairé, dans le même temps que l’on publiait l’Encyclopédie, les œuvres de Voltaire, de Jean Jacques Rousseau, de Diderot, des milliers de familles demeurèrent privées des droits civils à cause de