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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/150

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core curieuse aujourd’hui. Il semble en les ouvrant qu’on va voir une peinture pathétique de ces familles déshéritées des bienfaits de la loi, soumises à toutes les charges, exclues de tous les bénéfices, obligées de se cacher pour prier Dieu ; on attend une discussion fondée sur les grands principes de l’équité et de la morale éternelle : on ne trouve que des raisons de légiste, des arrêts du conseil, des fins de non-recevoir ; l’auteur ne serait ni plus tranquille ni plus sec s’il exposait le dossier d’une affaire civile. Cependant il avait raison, même comme avocat ; mais l’opinion ne se forma pas sur ses mémoires, elle s’échauffa sur leur titre seul. On répétait avec émotion ces paroles de l’auteur, l’un des descendants de Lamoignon de Bâville : « Il faut bien que je leur rende quelques bons offices : mon ancêtre leur a fait tant de mal ! » On parlait alors beaucoup d’humanité ; on commençait à entrevoir la liberté ; on n’était plus séparé que par deux années de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Louis XVI rendit aux protestants la vie civile. Il suffit de lire leurs propres écrits pour savoir qu’eux-mêmes ne réclamaient pas la vie politique[1].

Les termes de l’édit de 1787 montrent bien quel était alors l’état des esprits On aimait et l’on prônait la tolérance ; on déclamait chaque jour avec une indignation sincère contre la révocation de l’édit de Nantes et les maux qui en avaient été la suite ; Mais c’était encore, pour la plupart des philosophes, une question d’humanité et non

  1. « Depuis la révocation de l’édit de Nantes, les protestants n’ont cessé de demander à grands cris la liberté de conscience. Rien n’est plus naturel ; des malheureux qui souffrent doivent désirer avec ardeur et demander avec instance la fin de leurs maux. Mais les malheureux ne sont pas toujours justes. Il suffit qu’on leur refuse tout, pour qu’ils se croient autorisés à prétendre à tout… Nous ne craignons pas d’avancer que les plus raisonnables d’entre eux n’aspirent à autre chose qu’à voir révoquer les lois pénales par lesquelles ils ont été si longtemps opprimés. » (Considérations sur l’organisation civile des protestants, par Jean-Bon Saint-André, alors pasteur protestant à Montauban, Voir le volume publié à Montauban, en 1848, chez Rethoré, par M. Michel Nicolas.)