Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/189

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sa compétence ? Cela est absurde. Voulait-on empêcher une propagande politique sous couleur de religion ? On avait les lois ordinaires. On pouvait déférer aux tribunaux un écrit séditieux, quoique promulgué sous l’anneau du pécheur. De quelque côté qu’on le regarde, le décret de l’Assemblée était odieux et inutile.

La loi du 12 juillet était une atteinte bien plus directe et sinon plus profonde, au moins plus manifeste, à la liberté religieuse des catholiques. Elle comprenait quatre titres. Le premier réglait le nombre, la circonscription et le mode d’administration des évêchés et des paroisses. La France, avant la Révolution, avait dix-huit archevêques et cent vingt et un évêques ; ces cent trente-neuf diocèses étaient singulièrement inégaux en étendue, en population et en revenus. Le diocèse de Bethléem, entre autres, n’était qu’une des paroisses de la petite ville de Clamecy. Les paroisses, comme les diocèses, étaient situées et divisées capricieusement. La loi, conformant la division ecclésiastique à la division administrative qui venait d’être établie, réduisit le nombre des évêques à quatre-vingt-trois, fixa leur résidence au chef-lieu du département, et donna les limites mêmes du département pour limites à la juridiction épiscopale. Une réforme analogue fut accomplie pour les paroisses. C’était à coup sûr une mesure excellente, si elle avait été prise avec le concours du Saint-Siège ; mais qu’une assemblée laïque, qui pouvait être non catholique, fixât ainsi le partage du troupeau entre les pasteurs, cela paraissait au plus grand nombre des fidèles une véritable usurpation. Les évêques ne sont point des administrateurs ; ce sont des pasteurs ayant charge d’âmes. Ils n’exercent pas leur ministère en vertu d’une commission, mais en vertu d’une consécration. Ils sont, dans la doctrine mystique de l’Église, les époux de leurs diocèses, et les pères de leurs ouailles. Comment pouvaient-ils, par une loi de l’État, se considérer, ici comme déchargés, là comme investis de l’autorité épiscopale ?