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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/19

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territoire, pauvre, sans commerce, sans industrie, sans gloire militaire, peu versé dans les sciences, ou réelles ou imaginaires, qui formaient ailleurs le prestige des castes hiératiques, destiné cependant à transformer le monde, et à l’occuper d’âge en âge, de son histoire, de sa civilisation et surtout de ses dogmes : c’était le peuple juif, le seul peut-être de tous les peuples pour qui l’intolérance fût un principe vital. Sa théologie était très-simple, puisqu’elle ne comprenait que le dogme de l’unité de Dieu, celui de la création, celui de la chute, avec la promesse d’un Messie. Son histoire, sans obscurité, sans lacune, remontait, selon la prétention de ses historiens, jusqu’aux premiers jours de l’humanité ; Dieu même avait dicté la loi, fondé le sacerdoce et l’empire. Il n’y avait ni place pour la dispute, ni distinction possible entre la politique et la religion. Un tel peuple ne pouvait qu’être impuissant et méprisé jusqu’à ce qu’il fît, par la religion, la conquête du monde.

Le mouvement, la liberté, la philosophie, dans l’antiquité, c’était la Grèce. Pendant près de mille ans, l’histoire de la Grèce est l’histoire du monde. Là la philosophie naît avec Pythagore ; elle s’épure avec Platon ; elle s’étend, elle se fortifie avec Aristote ; elle devient, avec le stoïcisme, la maîtresse et la régulatrice des mœurs. Eschyle éteint fait place à Sophocle. Chaque siècle apporte à l’art une nouvelle forme, une nouvelle idée à la science. Rien ne ressemble moins à la mystérieuse immobilité de l’Égypte et de l’Inde que ce peuple plein de mouvement et de contrastes, divisé en nombreux États, agité par des révolutions perpétuelles, créant chaque jour des constitutions pour les déchirer le lendemain, traitant la réalité comme des esprits curieux et légers traitent la théorie, vivant à l’armée ou sur la place publique, connaissant à peine la vie intérieure et laissant le travail aux esclaves, multipliant les dieux et les légendes théologiques suivant la fantaisie de ses poètes et les intérêts de ses prêtres,