Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/215

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en mission, qui attentent ainsi à la liberté de conscience, se justifient dans leurs rapports par des raisons de police. Ils affirment que si les protestants et les catholiques peuvent faire profession extérieure de leur culte, il en résultera des conflits et peut-être même des guerres civiles. Nous savons aujourd’hui à quoi nous en tenir sur ces terreurs, vraies ou feintes ; les guerres religieuses ne naissent pas si aisément, et une administration intelligente a autre chose à faire, pour éviter des collisions, que d’ôter la liberté à tous les partis. Mais soit : on se cachera pour prier. On fermera les portes du temple. Au moins, dans ces réunions à huis clos, jouira-t-on de la sécurité garantie par la loi ? Hélas ! on ne le sait que trop : de tous côtés venaient les injures ; les journaux et les clubs ne tarissaient pas ; les administrations locales s’enhardissaient à entraver le culte et à molester les prêtres. Au club des Jacobins, on reprochait à la Convention sa tolérance comme un reste de faiblesse[1]. On attaquait jusqu’à la religion naturelle. Dieu était passé de mode. Les orateurs des Jacobins et ceux des sections de Paris enveloppaient toutes les religions et toutes les philosophies dans le même mépris et dans le même anathème[2] : « Quiconque a la débilité de croire en Dieu, » disait Anacharsis Clootz. Danton voulant prouver les progrès de la liberté religieuse s’écriait : « Partout le peuple dégagé des impulsions de la malveillance reconnaît que quiconque veut s’interposer entre lui et la divinité est un imposteur. Partout on a demandé la déportation des prêtres fanatiques et rebelles. » La Commune de Paris, qui allait plus vite que la Convention, prit un arrêté qui interdisait tous les cultes. C’était en novembre 1793. Le même mois (17 brumaire an II), il se

  1. Discours de Léonard Bourdon, 16 brumaire an II (6 novembre 1793) : « Quant à la Convention, puisque sa volonté est d’assurer la liberté des cultes, puisqu’il faut encore pardonner cette faiblesse au reste de la génération… »
  2. Séance des Jacobins du 18 brumaire an II (8 novembre 1793).