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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/244

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émigrèrent, beaucoup furent déportés ou guillotinés ; quelques-uns même furent massacrés. Les constitutionnels ne jouirent pas longtemps des fruits de leur soumission aux ordres de l’Assemblée constituante ; en butte à la haine des révolutionnaires les plus ardents, ils ne furent pas soutenus par le pouvoir central qui supprima leurs subsides, leur ôta le caractère de fonctionnaires publics et finit par leur défendre absolument d’exercer leur culte ; les confondant ainsi, au bout de très-peu d’années, dans la même proscription que les réfractaires. Cette proscription absolue ne fut pas de longue durée ; la liberté de conscience plusieurs fois proclamée, sans être jamais ni comprise ni pratiquée, devint moins illusoire après la fête de l’Être suprême : c’est-à-dire que le fait de célébrer les cérémonies du culte cessa d’être un crime aux yeux de la loi. Les prêtres constitutionnels, qui n’avaient plus du reste aucun caractère officiel, purent ouvrir des Églises et tenir des conciles. Ils comptèrent autour d’eux un certain nombre de fidèles. L’Église orthodoxe, encore proscrite dans la personne de ses prêtres, en comptait aussi, mais très-peu, et seulement parmi les amis de l’ancien régime qui rêvaient une restauration du pouvoir royal. Quant aux révolutionnaires, fidèles à leurs rancunes contre la domination cléricale, ils supportaient impatiemment les conséquences si incomplètes du principe de la liberté de conscience récemment établi dans les lois, et ils enveloppaient dans la même défiance et souvent dans la même haine les prêtres des deux Églises et la religion elle-même.

Le général Bonaparte, révolutionnaire et jacobin dans les commencements, n’avait pas tardé à être importuné de l’anarchie, à en désirer la fin, et à sentir que l’ordre étant devenu pour tout le monde un impérieux besoin, la majeure partie des hommes dévoués aux principes de 89, et un grand nombre de royalistes, ces derniers, il est vrai, avec une arrière-pensée, ne manqueraient pas de former en