Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/322

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taire. Il ne leur est pas permis non plus d’acheter une maison en pierre ; ils ne peuvent acheter qu’une maison en bois, et après l’avoir achetée ils sont obligés de la faire reconstruire en pierres dans un court délai. Tous ceux d’entre eux qui demeurent hors de Varsovie payent un droit pour y entrer : on leur délivre un billet daté qu’ils doivent présenter à toute réquisition, et qui n’est valable que pour un seul séjour. S’ils restent un jour de plus à Varsovie, nouvel impôt, nouveau billet ; et ainsi pour chaque journée si leur séjour se prolonge. Cet impôt s’élève, par an, à un demi-million. Un autre impôt, plus bizarre, est frappé sur la barbe. Les juifs aiment à porter une longue barbe : ils sont obligés pour cela de payer une somme, et d’en porter sur eux le reçu, sans quoi le premier agent de police peut les mener chez le barbier. Un troisième impôt a un caractère plus odieux encore, car il constitue une véritable impiété. C’est celui qui porte sur la viande-cacher, c’est-à-dire sur la viande préparée à la boucherie d’après le rituel des juifs. C’est un véritable impôt sur le culte. On l’a établi en 1812 ; il a pour conséquence de priver toute la population pauvre de l’usage de la viande. Il va sans dire qu’on n’a pas oublié les livres et l’enseignement. La vente des livres de controverse est interdite ; les livres de prières sont soumis à la censure. L’éducation élémentaire est entravée par tous les moyens : point d’écoles rurales ; si les juifs demandent à en fonder à leurs frais, on le leur refuse ; s’ils veulent envoyer chaque jour leurs enfants à Varsovie, ils sont assujettis chaque jour au droit d’entrée, qui devient alors exorbitant. Enfin, pour dernier malheur, ils sont soumis comme les autres à la conscription, et dans une proportion plus forte que les autres ; et il ne s’agit pas là de huit ans — le service militaire dure vingt-cinq ans ; — : ni d’une carrière, car tout avancement leur est refusé. Un juif ne peut pas même être sergent. Voilà la situation des juifs en Pologne ; et il y en a plus d’un demi-million.