question, même au point de vue historique. L’Assemblée constituante pouvait invoquer bien des précédents, parmi lesquels je me contenterai de citer les états de 1561 : « Les gens du tiers sont d’avis, sire, que vous fassiez exposer en vente tout le temporel détenu et possédé par les gens d’Église, sous la réserve d’une maison principale qui demeurera au bénéficier pour son habitation, » La noblesse voulait aussi, à la même époque, faire payer par le clergé les dettes de l’État. « Attendu, dit-elle, que ce sont biens desquels la propriété appartient au commun du royaume, et les gens d’Église n’en ont que l’usufruit seulement. » Mais je laisse toute cette discussion. Je ne veux pas introduire une question dans une question. Je suppose
loque de Poissy, posa en principe le droit absolu de l’État sur les biens
de l’Église, et proposa de les vendre au profit du roi en indemnisant le
clergé par des pensions. Il ne fallut pas moins que la révolution de 1789
pour que ce projet devînt réalisable. De toutes les réformes opérées par
l’Assemblée constituante, il n’y en a peut-être pas de plus contestée. Au
regret des biens qu’il perdait se joignait, dans le clergé, un sentiment
étrange d’humiliation. « Nous ne sommes plus que des salariés, » disaient-ils,
et Mirabeau répondait (c’était fort mal répondre) : « Il n’y a dans
l’État que des salariés, des voleurs et des mendiants. » M. le Mintier,
évêque de Tréguier, publia un mandement qui contenait ces paroles : « Les
ministres de la religion sont réduits à la triste condition de commis appointés
de brigands. »
C’est une opinion aujourd’hui reçue par l’immense majorité du clergé,
que la Constituante a violé le principe de la propriété en s’emparant des
biens de l’Église. En conséquence, on regarde le budget des cultes, non
comme la rémunération d’un service public, mais comme une indemnité
annuelle que l’État paye à d’anciens propriétaires, par lui dépossédés. Le
concordat de 1801, article 13, défend d’inquiéter la conscience des détenteurs
des biens de l’Église, mais à la condition de l’existence d’un budget
et en déclarant expressément que l’Église fait un sacrifice à la paix.
Le passage suivant montre bien quelle est à cet égard la situation des esprits
dans le clergé : « Ici se présente une question, savoir : Si les acquéreurs
ou possesseurs actuels des biens ecclésiastiques, c’est-à-dire des
biens du clergé et des églises de France usurpés par l’Assemblée nationale
et vendus par ses ordres au profit de l’État, sont obligés à quelque
restitution envers l’Église ? Nous répondons qu’ils ne sont obligés à
rien ; l’acquisition desdits biens, quoique injuste et sacrilège dans le principe,
a été ratifiée et légitimée par le concordat de 1804, dont l’article 13
est ainsi conçu : « Sanctitas Sua, pro pacis bono felicique religionis