Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/391

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historique, ou en frappant de suspicion les droits de la raison humaine. On voulait en un mot effacer les travaux, les démonstrations, les batailles qui, depuis deux cents ans, avaient mis l’humanité en possession d’elle-même, et ramener l’intelligence à ses anciennes croyances en la ramenant à ses anciennes superstitions.

Si l’on avait eu confiance dans la vérité de la doctrine qu’on apportait, et dans la supériorité de la morale qu’on prêchait, voici la ligne de conduite qu’on aurait suivie : on aurait répandu à grands flots l’instruction primaire, pour rendre tous les hommes capables d’étudier et de comprendre ; on aurait rendu accessible l’étude des chefs-d’œuvre de l’antiquité, parce que la nature intellectuelle a pour résultat d’ouvrir l’esprit, et de le rendre plus capable de discerner et de sentir la vérité ; on se serait appliqué à approfondir l’histoire, à la soumettre à une critique sévère, car c’est dans l’histoire surtout qu’est la preuve de l’authenticité des livres saints et le fondement de la doctrine chrétienne ; on aurait combattu à outrance la superstition, qui n’est que l’ignorance érigée en dogme ; on aurait propagé les découvertes des sciences physiques et naturelles, et montré leur concordance avec les récits bibliques ; tous les progrès de la science, de la raison, de l’humanité auraient été employés à la prédication chrétienne ; on aurait applaudi à l’émancipation de la raison, et tenté d’obtenir de la raison elle-même, de la raison éclairée par la philosophie et par l’histoire, une adhésion intelligente, motivée, sincère, à l’autorité de la révélation et de l’Église. Voilà ce qu’on aurait fait, et ce qui aurait été conforme à l’esprit du siècle, et aux principes de liberté qu’on mettait en avant. On a fait précisément tout le contraire.

On s’est mis à attaquer la Révolution française dans son principe et dans ses effets. On a soutenu que la raison n’avait pas le droit d’examiner, de discuter ; qu’elle était l’humble servante de la théologie. On a condamné toute