tasse, mais j’étais derrière la porte ; ma mère le savait et voulait peut-être que je l’entendisse.
C’était la première sortie : j’étais encore assez faible, mal recousu, nourri depuis quinze jours de bouillon un peu pâle ; ma mère savait que trop de suc fait plus de mal que de bien, et qu’on grise les veines avec du jus de vache comme avec du jus de raisin — car c’était de la vache. — « C’est plus tendre, disait-elle ; la vache pour les enfants, le bœuf pour les grandes personnes. »
J’étais donc soutenu seulement par un peu de vache détrempée ; j’avais encore le détraquement de la chute, et ma tête me semblait vide comme un globe : il me restait peu de sang ; ce qui en restait fit un tour, monta vers les joues creuses, et je les sentais qui brûlaient.
« On ne voulait pas me battre ! »
On voulait faire plus.
« Je ne veux pas le battre, reprit ma mère, mais comme je sais qu’il se plaît bien avec vos fils, je l’empêcherai de les voir ; ce sera une bonne correction. »
Les Fabre ne répondaient rien, — les pauvres gens ne se croyaient pas le droit de discuter les résolutions de la femme d’un professeur de collège, et ils étaient au contraire tout confus de l’honneur qu’on faisait à leurs gamins, en ayant l’air de dire qu’ils étaient la compagnie que Jacques, qui apprenait le latin, préférait.
Je compris leur silence, et je compris aussi que ma mère avait deviné où il fallait me frapper, ce qui fai-