Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/116

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Mais quand je reparaîtrai devant elle, comment serai-je reçu ? Me reconnaîtra-t-elle ?

Si elle allait ne pas me reconnaître !

N’être pas reconnu par celle qui vous a entouré de sa sollicitude depuis le berceau, enveloppé de sa tendresse, une mère enfin !

Qui remplace une mère ?

Mon Dieu ! une trique remplacerait assez bien la mienne !

Ne pas me reconnaître ! mais elle sait bien qu’il me manque derrière l’oreille une mèche de cheveux, puisque c’est elle qui me l’a arrachée un jour ; ne pas me reconnaître ? mais j’ai toujours la cicatrice de la blessure que je me suis faite en tombant, et pour laquelle on m’a empêché de voir les Fabre. Toutes les traces de sa tutelle, de sa sollicitude, se lisent en raies blanches, en petites places bleues. Elle me reconnaîtra ; il me sera donné d’être encore aimé, battu, fouetté, pas gâté !

Il ne faut pas gâter les enfants.


Elle m’a reconnu ! merci, mon Dieu ! Elle m’a reconnu ! et s’est écriée :

« Te voilà donc ! s’il t’arrive de me faire encore t’attendre jusqu’à deux heures du matin, à brûler la bougie, à tenir la porte ouverte, c’est moi qui te corrigerai ! Et il bâille encore ! devant sa mère !

— J’ai sommeil.

— On aurait sommeil à moins !

— J’ai froid.