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II

LA FAMILLE


Deux tantes du côté de ma mère, la tante Rosalie et la tatan Mariou. On appelle cette dernière tatan ; je ne sais pourquoi, parce qu’elle est plus caressante peut-être. Je vois toujours son grand rire blanc et doux dans son visage brun : elle est maigre et assez gracieuse, elle est femme.

Ma tante Rosalie, son aînée, est énorme, un peu voûtée ; elle a l’air d’un chantre ; elle ressemble au père Jauchard, le boulanger qui entonne les vêpres le dimanche et qui commence les cantiques quand on fait le Chemin de la croix. Elle est l’homme dans son ménage ; son mari, mon oncle Jean ne compte pas : il se contente de gratter une petite verrue qui joue le grain de beauté dans son visage fripé, tiré, ridé. — J’ai remarqué, depuis, que beaucoup de paysans ont de ces figures-là, rusées, vieillottes, pointues ; ils ont du sang de théâtre ou de cour qui s’est égaré un soir de fête ou de comédie dans la grange ou l’auberge, et ils sentent le cabotin, le ci-devant, le vieux noble, à