Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Oui, elle sera à toi. J’espère bien que tu ne la donneras pas à un pauvre ! »

Mais c’est une révolution alors ! Jusqu’ici je n’ai rien eu qui fût à moi, pas même ma peau.

Je lui fais répéter.


Minuit.

Il s’agit de bien apprendre mon histoire pour être premier, — et je pioche, je pioche !

Le samedi arrive.

Le proviseur entre. Les élèves se lèvent ; le professeur lit,

« Thème grec.

— Premier : Jacques Vingtras. »


« Eh bien ? dit ma mère en arrivant.

— Je suis premier.

— Ah ! c’est bien. Tu vois quand tu travailles, comme tu peux avoir de bonnes places ! Demain je te ferai une bonne pachade. »

La pachade est une espèce de pâte pétrie avec des pommes de terre, un mortier jaune, sans beurre, que ma mère m’a présenté comme un plat de luxe. Mais il n’est pas question de pachade ! C’est une pièce de vingt sous que je veux. On n’en parle pas. La question est si grave, que je n’ose pas l’attaquer. Ma mère fait l’affairée pour la pachade et me montre un œuf tout crotté en me disant : « J’espère qu’il est gros ! »

Des farces, tout cela. Et mes vingt sous, les ai-je