Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/159

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garçons de ferme battent l’heure du dîner dans la cour, et tout le monde rentre, même les poules, qui viennent attendre leur grain et se pressent contre la porte. Un poussin estropié se dépêche en tirant la patte ; les abords de la maison sont vides, je vois dans les champs s’arrêter les charrues et les laboureurs s’asseoir pour manger la soupe que vient d’apporter la servante dans son tablier vert.

C’est le grand calme de midi et son grand silence.


À notre table (on a servi le dîner à part pour le neveu), il y a une nappe blanche, des fruits dressés dans des soucoupes et une branche d’églantier, qui est là toute frissonnante dans l’eau, fraîche comme un panache vert avec des grelots rouges.

Il vient je ne sais quelle odeur de sureau. — Ah ! j’ai le cœur qui s’en va, tant cette odeur est douce !


Après le dîner.

« Si nous partions faire un tour en carriole avec notre cousin ?

— La Grise est trop fatiguée, dit le père.

— C’est vrai. Où irons-nous alors ? »

J’offre d’aller du côté des sureaux, et nous voilà au bout d’un moment occupés à vider la moelle de ces sureaux et à faire des sifflets luisants comme des cuivres ; la cousine Marguerite se coupe le doigt et laisse tomber de grosses gouttes de sang sur le blanc des feuilles.

On arrache une herbe pour la panser, et l’on va loin