Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/17

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sable des béates. — Huit jambes de béates : Quatre chaufferettes — qui servent de boîte à fil en été, et dont elles tournent la braise avec leur clef en hiver.

Il y a de temps en temps un œuf.

On tire cet œuf d’un sac, comme un numéro de loterie et on le met à la coque, le malheureux ! C’est un véritable crime, un coquicide, car il y a toujours un petit poulet dedans.

Je mange ce fœtus avec reconnaissance, car on m’a dit que tout le monde n’en mange pas, que j’ai le bénéfice d’une rareté, mais sans entrain, car je n’aime pas l’avorton en mouillettes et le poulet à la petite cuiller.


En hiver, les béates travaillent à la boule : elles plantent une chandelle entre quatre globes pleins d’eau, ce qui donne une lueur blanche, courte et dure, avec des reflets d’or.

En été, elles portent leurs chaises dans la rue sur le pas de la porte, et les carreaux vont leur train.

Avec ses bandeaux verts, ses rubans roses, ses épingles à tête de perle, avec les fils qui semblent des traînées de bave d’argent sur un bouquet, avec ses airs de corsage riche, ses fuseaux bavards, le carreau est un petit monde de vie et de gaieté.

Il faut l’entendre babiller sur les genoux des dentellières, dans les rues de béates, les jours chauds, au seuil des maisons muettes. Un tapage de ruche ou de ruisseau, dès qu’elles sont seulement cinq ou six à travailler, — puis quand midi sonne, le silence !…

Les doigts s’arrêtent, les lèvres bougent, on dit la