très bête en disant que j’avais faim, mais que je ne voulais pas manger.
Mais moi, je sais qu’on doit obéir à sa mère — elle connaît les belles manières, ma mère, — j’en laisse dans le fond, et je me fais prier.
L’économe m’offre du poisson. — Ah ! mais non !
Je ne mange pas du poisson comme cela du premier coup, comme un paysan.
« Tu veux de la carpe ?
— Non, M’sieu !
— Tu ne l’aimes pas ?
— Si, M’sieu ! »
Ma mère m’avait bien recommandé de tout aimer chez les autres ; on avait l’air de faire fi des gens qui vous invitent, si on n’aimait pas ce qu’ils vous servaient.
« Tu l’aimes ? eh bien ! »
L’économe me jette de la carpe comme à un niais, qui y goûtera s’il veut, qui la laissera s’il ne veut pas.
Je mange ma carpe — difficilement.
Ma mère m’avait dit encore : « Il faut se tenir écarté de la table ; il ne faut pas avoir l’air d’être chez soi, de prendre ses aises. » Je m’arrangeais le plus mal possible, — ma chaise à une lieue de mon assiette ; je faillis tomber deux ou trois fois.
J’ai fini mon pain !
Ma mère m’a dit qu’il ne fallait jamais « demander, » les enfants doivent attendre qu’on les serve.
J’attends ! mais M. Laurier ne s’occupe plus de moi