Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/214

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Elle disparut dans le silence du couloir muet qu’ornait un Christ d’ivoire taché de sang.


Voilà le pupitre noir devant lequel je m’asseyais, qui était si haut ; il fallait mettre des livres sur ma chaise.

Quelles soirées tristes et maussades j’ai passées là, et quelles mauvaises matinées de dimanche, quand on exigeait que j’eusse fait dix vers ou appris trois pages avant de mettre ma chemise blanche et mes beaux habits !

Mon père m’a souvent cogné la tête contre le coin, quand je regardais le ciel par la fenêtre au lieu de regarder dans les livres. Je ne l’entendais pas venir, tant j’étais perdu dans mon rêve, et il m’appelait « fainéant » en me frottant le nez contre le bois.

C’est sensible, le nez ! On ne sait pas comme c’est sensible.

J’avais fait un jour une entaille dans ce pupitre. Il m’en est resté une cicatrice à la figure, d’un coup de règle qu’il me donna pour me punir.


Voilà, plein de vieille vaisselle, un panier rongé !

C’était là que dormait Myrza, la petite chienne que l’ancien censeur, envoyé en disgrâce, nous avait donnée pour en avoir soin. Il n’avait pas d’argent pour l’emmener avec lui ; puis il ne savait pas si, dans le trou où on l’enterrait, il aurait seulement du pain pour sa femme et son enfant.

Myrza mourut en faisant ses petits, et l’on m’a appelé