Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/289

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Je me jette à ses pieds et je lui dis tout.

« M’sieu Jaluzot !

— Quoi donc, mon enfant ?

— M’sieu Jaluzot ! »

Je baigne ses mains de mes larmes.

« J’ai, M’sieu, que je suis un filou ! »

Il croit que j’ai volé une bourse et commence à rentrer sa chaîne.

Enfin j’avoue mes vols dans Alexandre et tout ce que j’ai réavalé de rejets, je dis où je prends le derrière de mes vers latins.

« Relevez-vous, mon enfant ! D’avoir ramassé ces épluchures et fait vos compositions avec, vous n’êtes au collège que pour cela, pour mâcher et remâcher ce qui a été mâché par les autres.

— Je ne me mets jamais à la place de Thémistocle ! »

C’est l’aveu qui me coûte le plus.

M. Jaluzot me répond par un éclat de rire, comme s’il se moquait de Thémistocle. On voit bien qu’il a de la fortune.


Pour la narration française, je réussis aussi par le retapage et le ressemelage, par le mensonge et le vol.

Je dis dans ces narrations qu’il n’y a rien comme la patrie et la liberté pour élever l’âme.

Je ne sais pas ce que c’est que la liberté, moi, ni ce que c’est que la patrie. J’ai été toujours fouetté, giflé, — voilà pour la liberté ; — pour la patrie, je ne connais que notre appartement où je m’embête, et