Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/299

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d’une si importante personne, mais cela étonne beaucoup ma mère.

« Vous n’avez pas peur qu’il vous fasse honte ?

— Honte ! — Mais savez-vous qu’il a de la tournure, votre fils, un petit mulâtre, et qui marche comme un soldat !

— Il a un bien gros ventre ! dit ma mère. On ne le dirait pas… mais Jacques a beaucoup de ventre. »

Moi, du ventre ! Je fais des signes de protestation.

« Oui, oui, c’est comme ça, peut-être moins maintenant, mais tu as eu le carreau, mon enfant. (Se tournant vers madame Devinol.) Je dissimule ça par la toilette. »

Madame Devinol sourit en me regardant.

« Moi, il me plaît comme il est. Veux-tu prendre ton chapeau, mon ami, et m’accompagner ?

Quel chapeau ? Le gris ? Celui des classes moyennes, qui me fait ressembler à Louis-Philippe ?

Ma mère consent à me laisser sortir avec ma casquette.

J’ai par hasard un habit assez propre, gagné à la loterie. Il y avait une tombola. Une maison de confection avait offert un costume ; ma mère avait pris un numéro au nom de son enfant.

Le numéro est sorti.

« Tu le vois, mon fils, la vertu est toujours récompensée.

— Et ceux qui n’ont pas gagné ?