Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/334

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à la française ; je te ferai faire des bottes. Mais fais-toi donc voir : de la moustache ! tu as des moustaches ! »

Elle n’y peut plus tenir de joie, d’orgueil. Elle lève les mains au ciel et va tomber à genoux.

« C’est que tu es beau garçon, sais-tu ! »

Elle me dévisage encore.

« Tout le portrait de sa mère ! »

Je ne crois pas. J’ai la tête taillée comme à coups de serpe, les pommettes qui avancent et les mâchoires aussi, des dents aiguës comme celles d’un chien. J’ai du chien. J’ai aussi de la toupie, le teint jaune comme du buis.

Quant à mes yeux, prétendait madame Allard, la lingère, qui me demanda une fois si je la trouvais potelée, je ne pouvais pas cacher que j’étais Auvergnat ; ils ressemblaient à deux morceaux de charbon neuf.

« Tu as l’air sérieux aussi, sais-tu ? »

Peut-être bien. Cette année-là a été la plus dure. J’ai été humilié pour de bon, sans gaieté pour faire balance.

J’ai aussi un dégoût au cœur. Ma désillusion de Paris a été profonde.

Je vois l’horizon bête, la vie plate, l’avenir laid. Je suis dans la grande Babylone ! Ce n’est que cela, Babylone !

Les gens y sont si petits ! Je n’ai entendu que parler latin !

Dimanche et semaine, j’ai été à la merci de ce Le- -