Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/344

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Pour trouver une place, nous avons fait trois fois le tour de la salle.

On commence à dire que nous passons bien souvent ! Enfin ma mère paraît fixée.

« Nous serons bien ici… — non, de ce côté-là… — Va-t’en voir si nous ne pourrions pas nous mettre près de la fenêtre, au fond. »

Je traverse le restaurant, rouge jusqu’aux oreilles.

Nous interrompons la circulation des garçons de salle et la délivrance des menus. Il m’arrive deux ou trois fois de m’opposer absolument au passage d’une sole et d’un œuf sur le plat. Le garçon prenait à gauche, moi aussi ! — À droite : il me trouvait encore ! Il allait droit — halte-là !

Des paris s’engagent dans le fond.

— Passera, passera pas !

Ma mère disait : C’est mon fils !

« Je vous en félicite, madame ! »

Je parviens à la rejoindre ; le garçon m’a filé sous le bras, aux applaudissements des spectateurs. Ceux qui ont perdu à cause de moi, règlent leurs paris en louchant de mon côté, en me regardant d’un air courroucé.

Nous sommes plus forts à deux ; ma mère ne veut plus me quitter.

« Restons ensemble, dit-elle ! »

Nous nous portons sur un point stratégique qui nous paraît le plus sûr, et nous tenons conseil.

On nous regarde beaucoup.

« Tu as faim ? mon pauvre enfant ! »