Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/66

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On a du lard et du pain blanc, — du pain blanc !…

On remplit jusqu’au bord les verres ; quand les verres manquent, on prend des écuelles et on boit du vivarais comme du lait, — un vivarais qu’on va traire tout mousseux à une barrique qui est près des vaches…

Les veines se gonflent, les boutons sautent !

On est tous mêlés ; maîtres et valets, la fermière et les domestiques, le premier garçon de ferme et le petit gardeur de porcs, l’oncle Jean, Florimond le laboureur, Pierrouni le vacher, Jeanneton la trayeuse, et toutes les cousines qui ont mis leur plus large coiffe et d’énormes ceintures vertes.

Après le repas, la danse sur la pelouse ou dans la grange.

Gare aux filles !

Les garçons les poursuivent et les bousculent sur le foin, ou viennent s’asseoir de force près d’elles sur le chêne mort qui est devant la ferme et qui sert de banc.

Elles relèvent toujours leur coude assez à temps pour qu’on les embrasse à pleines joues.

Je danse la bourrée aussi, et j’embrasse tant que je peux.


Un bruit de chevaux ! — Les gendarmes passent au galop !…

C’est à la maison Destougnal dans le fond du village ; ceux de Sansac sont venus, et il y a eu bataille.

On se tue dans le cabaret.