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Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/77

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La grande distraction qu’elle m’offre est la messe de minuit, parce que c’est gratis.

La messe de minuit !

De la neige sur les toits et la crête des murs.

Elle a fondu sous les pieds des passants dans la rue et l’on patauge dans la boue.

C’est triste en haut, sale en bas !

Il y a un monde fou chez les charcutiers.

On commande du boudin pour la nuit ; et notre épicier a tué un cochon exprès l’autre soir.

L’odeur vive et crue des salaisons domine mes souvenirs de Noël.

Une satanée petite queue de cochon m’apparaît partout, même dans l’église.

Le cordon de cire au bout de la perche de l’allumeur, le ruban rose, qui sert à faire des signets dans les livres, et jusqu’à une mèche d’un vicaire, qui tirebouchonne, isolée et fadasse au coin d’une oreille violette ; la flamme même des cierges, la fumée qui monte en se tortillant des trous des encensoirs, sont autant de petites queues de cochon que j’ai envie de tirer, de pincer ou de dénouer ; que je visse par la pensée à un derrière de petit porc gras, rose et grognon, et qui me fait oublier la résurrection du Christ, le bon Dieu, Père, Fils, Vierge et Co.

J’aspire une odeur de sel comme au bord de la mer, et par la pensée je gratte la cire jaune pour en faire de la chapelure ou de la moutarde !

Je lâche ma mère pour aller avec les voisins à l’épicerie qui est à côté de chez nous.