Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/92

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ladroit » par-ci, du « nigaud » par-là, elle crie : je reçois une gifle.

Je donnerais beaucoup pour recevoir une gifle ; ma mère est contente quand elle me donne une gifle, — cela l’émoustille, c’est le frétillement du hoche-queue, le plongeon du canard, — elle s’étire et rencontre la joue de son fils ; quelle joie pour une mère de le sentir là à sa portée et de se dire : c’est lui, c’est mon enfant, mon fruit, cette joue est à moi, — clac !

Mais non.

Elle a les bras croisés et les garde cachés sous son châle… Allons ! Elle n’est pas disposée à la bonne humeur.

Mon père use un tas d’allumettes ; elles se cassent et font un petit bruit sec qui est tout ce qu’on entend devant cette porte fermée, dans le corridor que glace le vent, avec ma mère et moi contre le mur comme des habits de la Morgue.

Jamais moment ne m’a paru plus long.

Enfin une des chimiques prend, et mon père peut introduire la clef dans la serrure…

Nous entrons dans une pièce immense où arrive, par des croisées énormes, la lumière d’un réverbère qui clignote dans la rue.

Elle tombe en plein sur ma mère, qui se tient immobile et muette, avec la rigidité d’une morte, l’insensibilité d’un mannequin et la solennité d’un revenant.

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Mais je sauve toujours les situations avec ma tête