Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/94

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Je suis tombé sur une gravure et j’ai cassé le verre.

On est forcé de reconnaître des lésions affligeantes, et quelques gouttes de sang qui traînent sur le plancher servent de prétexte à mon père — et à ma mère aussi — pour entrer dans des mouvements nouveaux. J’en tressaille d’aise (autant que je puis tressaillir sans trop de souffrance, entendons-nous). Mais je suis bien content tout de même d’avoir dérangé ce silence, cassé la glace, et ma famille en arrache les morceaux.

On me lave comme une pépite ; on me sarcle comme un champ.

L’opération est minutieuse et faite avec conscience.

Dans le hasard de l’échenillage, les mains se rencontrent, les paroles s’appellent ; on se réconcilie sournoisement sur ma blessure, et je crois même que mon père fait traîner le sarclage pour laisser à la colère de sa femme le temps de tomber tout à fait. Je saigne bien un peu ; je suis tantôt à quatre pattes, tantôt sur le ventre, suivant qu’ils l’ordonnent et que les piquants se présentent ; mais je sens que j’ai rendu service à ma famille, et cela est une consolation, n’est-ce pas ?

Au lieu de pousser tant de haricots dans les coins, pourquoi M. Beliben ne dirait-il pas : « Voyez si Dieu est fin et s’il est bon ! que lui a-t-il fallu pour raccommoder l’époux et l’épouse qui se fâchaient ? Il a pris le derrière d’un enfant, du petit Vingtras, et en a fait le siège du raccommodement. »